La Seigneurie des Écureuils


La Seigneurie Bélair de la Pointe aux Écureuils
par Gilles Dussault
Premier seigneur
L'acte de concession de la seigneurie date du 30 novembre 1672. Le nouveau seigneur n'y vint certainement pas immédiatement d'autant plus que sa jeune épouse était enceinte et que son premier enfant naîtra au Saut-à-la-Puce le 20 mai 1673.
Lorsque Jean, né du premier mariage de Toussaint Toupin et de Marguerite Boucher, prit possession de la seigneurie, il adopta le surnom comme
titre de nouvelle noblesse rurale, ce qui fait que la famille fondatrice de Les Écureuils fut les Toupin-du-Sault qui devinrent simplement les Dussault
La seule voie permettant de se rendre aux Écureuils était le fleuve Saint-Laurent. Aucune route, de la forêt, quelques chaumières à Saint-Augustin et Neuville puis le vide. Le père Toussaint Toupin a 56 ans et son commerce de navigation lui prend tout son temps. C'est donc son fils Jean qui sera le véritable fondateur de la seigneurie.
Jean Baptiste a 24 ans et son épouse Marie, fille du notaire Jean Gloria, est née le 14 mars 1654 et eut pour parrain le sieur Louis D'Ailleboust de Coulonge, gouverneur, et pour marraine, Jacqueline Potel, femme
de Jean Bourdon, procureur général de la colonie et seigneur de Neuville, d'où le mot Dombourg. Elle n'a que 18 ans, épouse depuis 3 ans et ex-pensionnaire aux Ursulines de Québec. S'exiler dans une forêt, 30 ans et avant la paix définitive avec les Indiens, c'était de l'héroïsme.
Le premier quart de siècle de la seigneurie fut une suite d'épreuves pendant lesquelles le jeune seigneur démontra un courage peu ordinaire. Jean Baptiste Toupin, fils de navigateur et possédant lui-même une barque, aurait pu tout abandonner et faire du cabotage comme son père mais fidèle à son idéal, il mourut à l’âge de 54 ans avec la satisfaction d'avoir construit un domaine sur des bases permanente.

Au printemps de 1673, Jean Baptiste Toupin a dû s'empresser de visiter sa seigneurie avec son père et le meilleur endroit pour remiser leur bateau de 18 tonneaux fut dans l'échancrure du coté ouest de la pointe, à l'abri des vents et des courants. C’était là un beau et vaste domaine fait de deux superbes plateaux de plus de
trois milles cinq cents arpents en superficie, couverts de belles forêts, d’accès et d’exploitation facile, traversé, en sa partie supérieure par trois rivières, la grande rivière Jacques-Cartier, la petite rivière Aux Pommes et la rivière Marcot. Le fief était à quelque dix lieues en amont de Québec. Il se réserve un domaine personnel de sept arpents, neuf perches de large sur 40 arpents de profondeurs en plus d'une autre terre d'un arpent et demie de front sur 40 arpents de profondeurs dans la troisième concession, aujourd'hui le Grand bois de l'Ail du Cap-Santé qui deviendra le centre de rayonnement de la Seigneurie.

Dès leur prise de possession, le père et le fils se partagent le fief par moitié. (Louis Chambalon, 23 février 1702) En 1676, à la mort de Toussaint Toupin, Jean devient seul propriétaire de tout le fief. Détenteur d’une moitié, par titre de concession, il acquiert la demie de l’autre par succession, en vertu de son droit d’aînesse et la balance par achat de droits à ses frères et sœurs, Antoine, François, Jean, Marie (ayant renoncé par contrat de mariage le 08 avril 1669) Jeanne, Élisabeth-Ursule (ayant déjà renoncé à ses droits de succession en faveur de son frère aîné lors de la première donation).

Le 17 mars 1678, devant le notaire Gille Rageot, il concède une terre à Pierre Grenon. La chaumière habitée la plus près de l'endroit où le bateau est accosté se trouve sur la falaise à environ un mille plus à l'est. Ce n'est pas un inconnu des Toupin qui l'habite puisque c'est Jean Dubuc, dernier censitaire à l'ouest de la seigneurie de Neuville, il est un ancien serviteur de Jean Bourdon de Québec. Il dû y avoir une bonne collaboration de sa part puisqu'à plusieurs reprises nous voyons le nom de Dubuc dans les actes de mariages et de sépulture de la famille Toupin. Enfin le 03 novembre 1688, nous lisons aux registres de Neuville sur une seule entrée signée du curé Basset, le récit d'un drame où 3 personnes sont noyées à la suite de naufrage d'une barque près de la Pointe aux Écureuils, deux jours avant. Il s'agit du fils du seigneur, Michel âgé de 13 ans, Jean Dubuc, 49 ans et Anne Coquincour, 46 ans. Aucun membre de la famille Toupin ne semble présent à ces funérailles. Y aurait-il d'autres victimes demeurées invalides? Le jeune Michel fut le premier enfant né aux Écureuils le 13 janvier 1676 et fut baptisé solennellement à
l'église Notre-Dame de Québec le 22 janvier 1676. Nouveaux arrivants
En 1691, arrive aux Écureuils François Dussault, époux de Geneviève Mezeray. Il occupe la terre voisine du domaine abandonné par Pierre Grosleaux. Il l'achète en 1695 et en 1707, son fils Jacques du Cap-Rouge viendra s'établir à l'ouest de son père. Cette famille venait de Paris avec le nom de Dussault, ce qui fait qu'aux Écureuils, dès le début, il y avait la famille fondatrice Toupin du Sault et les Dussault. Fait curieux, en 1972, il ne reste qu'une ou deux familles Dussault alors que les Toupin-Dussault sont encore très nombreux même si elles ont abandonné le nom original Toupin. Le 10 juillet 1694 (notaire Louis Chambalon), Jean Toupin, seigneur de

la terre et seigneurie de Bélair, demeurant en son manoir seigneurial de Belair, cède une terre située en la seigneurie de Belair à Mathurin Chailly.
Premier moulin
Nous étions aux temps héroïques des massacres indiens. Il ne fallait pas s’éloigner de la seule voie de salut, le fleuve Saint-Laurent. Or, aux Écureuils, plus particulièrement, dans les limites de la seigneurie originale, aucune rivière ne se jetait dans le fleuve. Le jeune seigneur, Jean Toupin-Dussault choisit un fort ruisseau qui passait non loin de son manoir pour y ériger son moulin. Ce ruisseau étant soumis au caprice des pluies et de son courant, au bout de quelques années, il ne pu alimenter suffisamment les exigences des colons. Nous n’avons pas de preuves, mais les censitaires eurent certainement la permission d’aller faire leur moulange et leur bois de charpente à Neuville. Cet état dura jusqu’à la mort du premier seigneur survenue en 1700. Ce n’est que le 19 août 1711 (notaire Jacques Barbel), que sa veuve unie de nouveau sa vie à un marchand boucher, de la ville de Québec, du nom de Louis Bardet,. Il était veuf de Geneviève Trépagny. L’acte d’inventaire des biens du fief et de la seigneurie des Écureuils daté du 21 avril 1712 (notaire Florent de Lacetière), nous dit que le pauvre petit moulin était en ruines.
En 1701, Belair des Écureuils compte 22 censitaires et 66 1/2 arpents en valeur. Dans la liste, nous y lisons les Pagé, Dussault et Petit en plus de la famille du seigneur Toupin-Dussault. Fait remarquable, nous retraçons 10 familles dans la deuxième concession, appelée dès cet époque le *"village".* Le seigneur a une cavale (jument), 10 bêtes à cornes, des porcs, des poulets, des
cannes, des dindes et des pigeons et nous y lisons aussi une barque évaluée à 900 livres. Deuxième seigneur
Jean-Baptiste, fils du fondateur des Écureuils, sieur Dussault de Belair, naquit le 30 juin 1678 à la Pointe aux Écureuils. A la mort de son père, il n'avait que 22 ans, donc mineur au sens de la loi pour l'époque. Comme il hérite sans morcellement de toute la Seigneurie, il obtint du Conseil Souverain le 27 avril 1701 ses lettres d'émancipation permettant "aud. Exposant de jouir de ses biens meubles Et du revenu de ses immeubles Tout aussi que s'il Estoit En age de Majorité layant qu'ant à ce habileté Et dispensé...".*
Il est célibataire. Il sera avant tout navigateur à son compte et tous ses profits serviront à développer sa seigneurie. En 1705, il loue la Sainte-Anne, navire de 20 tonneaux pour aller à Plaisance (Anticosti). Il en deviendra propriétaire puisqu'il l'échange pour un deux mâts de 5 à 15 tonneaux à Joseph Riverin, marchand de Québec, contre 966 livres. Il est dit que sa nouvelle barque est "gisante" au Cul-de Sac, présentement chargée et prête à partir pour la Baie Verte (Louis Chambalon, 0 8 Mai 1709). De 1713 à 1723, il fut le navigateur ou le capitaine de la Sainte-Anne pour le compte du Séminaire de Québec de la Baie Saint-Paul à Ville-Marie, avec gages du tiers du fret recueilli des voyages chaque année. (Québec Histoire, abbé H. Provost vol. 1 No 3 et 4).
Au cours de l'année 1709, le seigneur concède 13 terres par contrat passé devant le notaire Bernard de la Rivière. Parmi ces nouveaux, qui complètent la deuxième concession, nous lisons les noms de Godin et Pleau, toujours présent en 1972. C'est probablement à compter de l'année

1709 que nous appelons "village" le territoire compris dans la deuxième concession. A cette date, le chemin seigneurial longeait la falaise du fleuve où étaient construites les chaumières et le manoir, car dans les actes, il est bien dit "Laisser un arpent sur la devanture de la dite
concession pour le chemin communal." Deuxième Moulin
La paix de 1701 avec les Agniers permit aux seigneurs de développer sans crainte leurs terres et de s’éloigner en profondeur. Jean- Baptiste Toupin-Dussault, deuxième seigneur, songea à ériger un bon moulin dans sa troisième concession où coulait trois rivières à fort courant. La rivière Jacques- Cartier, la rivière aux Pommes et la Petite Rivière nommée plus tard la rivière Marcot.
Il choisit le confluent de cette dernière dans la rivière Jacques-Cartier. De plus, il se trouvait sur une terre de son propre domaine.
Le premier Décembre 1710, le deuxième seigneur, Jean-Baptiste Toupin Dussault convoque les censitaires pour les engager par contrat notarié à faire moudre leur grain au nouveau moulin qu'il veut faire construire dans la troisième concession de sa seigneurie au confluent d'une petite rivière et de la Jacques Cartier. C'est dans cet acte du notaire Bernard de la Rivière, qu'il est fait mention à deux reprises du mot "village" pour désigner le territoire de la deuxième concession. *"Jean-Baptiste Toupin, seigneur de la terre fief et seigneur de Bel-Ayer (beélair) lequel m'ayant requis de me transporter au dit lieu au petit village second rang l'habitation de la dite seigneurie...les habitants qui se sont trouvés au dit village..."* (Bernard de la Rivière, 01 décembre 1710). Ce moulin existe encore de nos jours malgré son abandon. Ses fondations sont très hautes et je me souviens d'avoir remarqué un appartement en pierre avec ferrures et chaînes ayant servi, m'avait-on dit, à la réclusion d'un fou de la région. La famille Toupin-Dussault vendit son moulin en 1743 à Jean Lamothe pour une rente annuelle et perpétuelle de cent minots de blé.
Un acte du 23 mai 1709 nous donne la réponse suivante où était la route du deuxième moulin seigneurial, la première route étant celle du manoir. Cet acte nous dit que le seigneur Jean- Baptiste Toupin-Dussault concède à Pierre Silvestre une terre sous la réserve suivante : quarante arpents de route seigneuriale. Cette terre passa par la suite à Antoine Délisle. En 1790, Matthew MacNider, qui avait acquis tous les droits seigneuriaux passe un nouveau contrat avec Délisle par lequel il se désiste tant pour lui, ses hoirs et ses ayants causes, du droit qu’il a comme seigneur du dit Belair, de prendre du bois sur cette terre, tant pour la bâtisse des moulins, manoirs et autres bâtiments que les réparations d’iceux.

En retour, le dit sieur Antoine Délisle s’est obligé, tant pour ses hoirs et ayant causes de fournir et lever sur sa terre et en tel endroit qu’il sera le plus commode au dit sieur MacNider, le terrain pour un chemin suffisant pour aller au moulin de la dite seigneurie de Belair. Cette terre concédée originalement à Sylvestre, passa successivement aux Délisles, Pleau, Savard, Germain, Leclair, Picher pour appartenir de nos jours à M. Charles Doré.
La tradition faisait descendre les colons dans une côte dite à Jean Pleau. Du pied de cette côte, on traversait au moulin en passant sur un îlot. L’hiver, les censitaires passaient beaucoup plus haut pour arriver au lieu désigné "le Calvaire" chez un nommé Delisle.
Peut-être serait-il à propos de donner ici les noms des propriétaires de cette troisième concession lors du dernier cadastre officiel de la seigneurie en 1859. La troisième concession dite « Rang du Grand Bois de l’Ail » comprenait 26 terres dont voici les noms.
Numéro 59, Vve Pierre Morisette. 60, Charles Chevalier. 61, Jean-Baptiste Richard. 62, Charles Germain. 63, Louis Marcotte. 64, Camillien Piché. 65, Jean-Baptiste Richard. 66, 67 et 68, Louis Galarnaud. 69, Joseph Déry. 70, Jean Petit. 71 et 72, Clément Chaillé. 73, Antoine Petit. 74, Augustin Dion. 75 et 76, Augustin Lesage. 77, Joseph Déry. 78, Vve François Lamothe. 79, Denis Denis. 80, Joseph Brière. 81, Jean-Baptiste Savard. 84, Ferdinand Papillon. À l’érection canonique de la paroisse de Les Écureuils, cette troisième concession fut cédée au Cap-Santé en raison de la rivière Jacques-Cartier dont le passage était très dangereux à certaines périodes de l’année. Il en fut de même à l’érection civile.
En 1724, le 31 mai, Marie-Louise Lesage, jeune enfant de sept ans, fille de Nicholas Lesage, et de Marie-Françoise Paris fut trouvée noyée dans la petite rivière au-dessus du moulin seigneurial. Le 30 janvier 1774, Marguerite, vingt ans, fille de Jean-Baptiste Thibaudeau, meunier de la paroisse de Les Écureuils, périt entre la dalle et la roue du moulin.
Dans l'aveu et dénombrement du seigneur, en date du 17 février 1723, il est fait mention : Une grange de quarante pieds close de pieux en
tournant de chutte... ».
coulisse... une écurie et étable de 25 pieds de long pièce sur pièce. Dans l'inventaire du même seigneur en date du 28 février 1724, on signale une maison maçonnerie de 34 pieds par 24 à un étage avec cloison, châssis, portes, plancher haut et bas, couverte en bardeaux. Cette description sommaire ne rend pas justice à la description que m'en firent les anciens et particulièrement la sœur Marie-Eugénie c.m.d. qui naquit et vécu dans ce manoir. Une grande transformation fait jour et l'on oublie vite : « la maison de coulombages couverte de planches et une grange ou hangard de pieux debout et couverte de paille... servant d'étable et de grange et un petit moulin à eau

Monument dévoilé le 01 septembre 1946
Situé sur la place de l'église St-Jean-Baptiste des Écureuils.
Ce monument fut érigé en l’honneur de Jean Toupin, Sieur Du Sault et de Belair,
fondateur des Écureuils. 1648 – 1700, qui avait donné le terrain à la fabrique.
Il a été dévoilé par Onésime Gagnon et Bona Dussault, 1881-1953,
Député à l’Assemblée législative de Notre-Dame de Québec en 1636.
Il devint par la suite, Ministre de l’Agriculture et des Affaires municipales.
Jean Toussaint Toupin, né le 07 janvier 1675, fils de Toussaint et de Marie Bourdon, frère de Jean-Baptiste, fondateur des Écureuils, on le retrace chez le notaire Louis Chambalon le 06 juillet
1700 à titre de "volontaire de réserve" dictant son testament avant de partir pour la Baye du Nord (Baie d'Hudson). Sur les 200 livres qu'il possède, il en consacre 150 à faire prier Dieu pour le repos de son âme et donne la balance à sa nièce. Aussi il demanda à Nicolas Doyon, arquebusier de Québec, d'employer, pour le repos de son âme, les 5 années d'arrérages de la rente de 15 livres que le dit Doyon lui doit "chacun an sur sa maison". On est émerveillé de constater le courage chez un jeune s'engageant pour un tel parcours et proclamant sa foi de façon non équivoque.
De nouveau chez Chambalon le 12 Octobre 1707, fut présent Jean Toussaint Toupin, habitant la ville de Larochelle y demeurant dans la paroisse de St-Sauveur. Dans cet acte, il confesse avoir reçu de Doyon le paiement complet des arrérages dont il est fait mention dans l'acte de 1700. Il

est donc retourné faire souche en France et son passage à Québec à deux reprises nous donne l'impression qu'il est navigateur à long court.
Aquarelle du manoir selon les souvenirs d'une dame Dussault, l'ayant habité.
Seul souvenir du manoir seigneurial détruit par le feu en 1877. Le premier était en bois et fut remplacé par celui-ci au
début du 18e siècle. C'est en 1681 que le premier seigneur accorde à Léonard Paillard du "Petit Village" de Beauport le contrat de la construction du premier moulin seigneurial. Pour 231 livres, il doit construire une maisonnette de 17 pieds par 14 pieds dans laquelle sera fixée une moulange:" De 4 pieds de diamaistre ou plus syl se peut trouver des moulanges de plus grande quantenence". Il était situé à la chute d'un ruisseau dans la partie est de la pointe aux Écureuils.
Ce moulin est qualifié de ruines en 1700.

Maison de pierres
habitée par une famille Toupin Dussault pendant 225 ans aux Écureuils
Source :

- Le dictionnaire biographique des ancêtres Québécois, par Michel Langlois
- Le dictionnaire généalogique des familles du Québec, par René Jetté
- Les Toupin Du Sault, Sieurs de Belair, Seigneurs des Écureuils 1672-1789, par Eugène-F. Dussault
- Liste des patronymes sur Internet
- Fondation de la Seigneurie de la pointe aux Écureuils et de Belair
Par : Jacques Dussault. Archives nationales Université Laval - Journal Le Soleil, Québec, dimanche 17 décembre 1950
Par : Clément-T. Dussault, directeur, Société Historique de Québec.